L’histoire de l’Atelier de Charenton
On me disait que mon projet était impossible. Le conseiller de l’administration me l’avait bien répété : les chiffres étaient « bien trop petits ». J’ai fait fi de tous ceux qui voulaient me décourager, ils ont même fait redoubler mes forces. Ma petite voix intérieure me disait qu’il vaut mieux un échec qu’un regret.
Tout a commencé un dimanche soir. Le local du 33 rue Gabrielle s’est affiché sur mon écran d’ordinateur : « Se loger : Agence loue bureau 30 mètres carrés – Charenton-le-Pont ». J’habitais depuis peu dans le Val-de-Marne et je n’avais jamais mis les pieds à Charenton. J’ai vu que c’est tout près de chez moi, donc parfait pour conjuguer activité professionnelle et vie de famille.
Je me suis rendue seule à la visite du 33, rue Gabrielle. Un ange m’attendait… Cette rue est si belle, la plus belle de Charenton, pour moi. J’ai eu le coup de cœur au premier rendez-vous.
J’imaginais tout le monde peindre sur les murs, des tableaux géants.
Le bon lieu
D’abord, j’ai vu une grande vitrine sur la rue, une boutique un peu désuète, comme je les aime car elles me rappellent mon enfance. Son rideau de fer à l’ancienne que l’on pouvait descendre à la manivelle, son entrée tout en boiseries, tout me plaisait.
La pièce principale, rectangulaire, sans recoins, très haute de plafond (3,80m) m’a définitivement conquise : c’était l’Atelier parfait ! J’imaginais tout le monde peindre en liberté sur les murs, des tableaux géants.
Comme dans une histoire de cœur, j’ai vu seulement les bons côtés, sans mesurer l’ampleur des travaux. Sur le champ, j’ai demandé à l’agent immobilier de signer le bail. Ce qui fut fait. Je sautais de joie.
A la maison, j’ai commencé à écrire au mur, sur des petits papiers, les noms possibles… Peinture pour tous, Peinture de soi, Le petit atelier… Comme un bébé, je me demandais comment j’allais l’appeler… Ce fut L’Atelier de Charenton, simple et efficace. Plus tard, des communicants me dirent qu’il sonnait bien. Le nom plaÏt, me dit-on et même au Japon : « Ça fait français ». Surtout, il me plaît car c’est le mien.
L’Atelier de Charenton se fonde en association loi 1901, le 5 septembre 2007
Je fonde l’Atelier de Charenton en association, parce que le tissu associatif de Charenton-le-Pont me semble offrir plein de possibles.
L’Atelier ouvre ses portes à la rentrée scolaire de septembre 2007. A la hâte, une amie, qui avait déjà créé un atelier, me transmets ses statuts (une chose à éviter, car des statuts se personnalisent).
Depuis, avec le bureau de l’Association, nous les avons modifiés, pour qu’ils correspondent à la réalité de nos activités. En 2016, le nouvel objet précise : « Proposer aux enfants et aux adultes une activité créatrice et éducative qui leur permette d’exprimer leur potentiel créateur par le langage plastique, conformément à la méthode du geste de peindre »
Installation de l’Atelier de Charenton
J’annonce à la conseillère ANPE que j’allais créer un atelier. Elle a souri…
Je décide de jouer le tout pour le tout et de mettre les économies gagnées après des années, dans mon ancien métier de directrice de casting : l’administration avait oublié de me verser cette somme… Ma conseillère de l’ANPE spectacles me dit que j’avais de quoi m’offrir une petite voiture. Je lui annonce qu’avec la somme, j’allais créer un atelier. Elle a souri…
Au 33 rue Gabrielle, les travaux sont beaucoup plus importants que ce que j’avais bien voulu voir. Un ami, bon menuisier, m’aide à construire mon petit univers. Comme je voulais une pièce chaleureuse et une ambiance naturelle, j’ai recouvert tous les murs de papier kraft. Moi qui ne suis pas très bricoleuse, ce fut une grande épreuve.
Pour créer un quatrième mur, nous avons imaginé un système de parois battantes en bois. De l’extérieur, les passants devinent un lieu qui vit, sans le voir. A l’intérieur, la longue table en bois, avec les petits pots de peinture et les pinceaux en petit-gris, trônent au beau milieu.
Jeanne, une complice de travail qui avait établi son atelier de peinture libre rue du Bac, dans le 7e arrondissement de Paris, l’a quitté pour vivre à l’étranger. Avant de partir, elle m’a fait cadeau de sa table palette, que j’ai personnalisée et rebaptisée, table à couleurs. Jeanne a aussi peint la flamboyante enseigne de l’atelier, rouge, jaune et rose. C’est ma marque, mon identité.
Mettant l’accent sur l’absence de compétition et de jugement, j’expliquais aux parents la démarche de l’Atelier.
Donner du sens
Sans le savoir, j’ai appliqué une idée de dirigeant : « L’important, c’est de proposer des activités intéressantes dans la société ». Je choisis, je cherche, je formule, j’écris. Mes mots ont apporté du sens à ce projet.
Le site Internet L’Atelier de Charenton, avec ses jolis tons pastel, s’est mis en route et il reçoit de nombreux visiteurs. Mes flyers circulent dans les mains des parents et mes journées portes ouvertes faisaient le plein.
Mettant l’accent sur l’absence de compétition et de jugement, j’expliquais aux parents que les tableaux de leurs enfants resteraient quelques année à l’atelier. Quelques années après, j’ai choisi de respecter le droit d’auteur : désormais, les tableaux sont remis aux participants, chaque année.
En attendant, il fallait consolider le projet : je travaillais parfois près de quinze heures par jour et parfois, le week-end. J’écrivais à des personnalités pour leur demander de parrainer l’Atelier de Charenton : Isabelle Filliozat et Carl Honoré furent les premiers à accepter !
En 2007, Facebook a montré le bout de son nez. Mon frère, professionnel de la communication, me conseille d’utiliser ce réseau. En même temps, j’avais envie d’un nouveau site Internet. En cherchant de belles images en ligne, j’ai fait la connaissance d’un webmaster créatif et talentueux, Tanguy. Il m’a encouragé à trouver un slogan, à écrire sous le nom de l’Atelier de Charenton, » Ecole nouvelle de peinture ».
Ma première séance
Premier enfant, première séance…
Ma première séance
Je m’en souviens comme si c’était hier : nous étions le samedi 7 septembre 2007. Des parents avaient prévus d’accompagner leurs enfants, pour la première séance de peinture. Qu’allait-il se passer ?
Ma fille Nina, neuf ans, était avec moi. Elle voulait participer à l’atelier car, c’est avec elle et son frère Roman, lorsqu’ils étaient tout jeunes, que j’ai découvert l’univers des ateliers de peinture.
Aujourd’hui, nos cours sont complets. De nombreuses fratries sont inscrites, parfois de quatre enfants ! Nous proposons des stages de vacances, notamment, pour ceux qui habitent très loin de Charenton (Loan et Lien viennent de Châtenay-Malabry, chaque semaine, depuis l’ouverture de l’Atelier) et pour des adultes qui ne peuvent se libérer aux horaires des cours réguliers. Ponctuellement, j’ouvre l’Atelier pour les formations professionnelles.
L’Atelier de Charenton commençait bien ! Il a ouvert discrètement une voie, que Nina résume ainsi : On peint ce que l’on veut mais pas n’importe comment. L’essor des pédagogies nouvelles, telles que Montessori, pointait à peine et j’y voyais déjà un pont avec l’Atelier de Charenton.
Des petits traits nous relient, le décor nous réchauffe… Le papier peint n’a jamais été changé.
L’enracinement et l’avenir
Mon atelier du dimanche était très demandé parce que peu de lieux pour enfants étaient ouverts, ce jour-là. Outre le mercredi, face à la demande, j’ai proposé une séance le samedi. Ilan, mon plus jeune participant, arrivait encore avec son doudou : il a peint, pendant neuf ans !
Mon travail s’est bonifié, au fil des années, en pratiquant, pratiquant et en rencontrant de nombreuses situations, qui ont forgé mon expérience.
Aujourd’hui, nos cours sont complets. De nombreuses fratries sont inscrites, parfois de quatre enfants ! Nous proposons des stages de vacances, notamment, pour ceux qui habitent très loin de Charenton (Loan et Lien viennent de Châtenay-Malabry, chaque semaine, depuis l’ouverture de l’Atelier) et pour des adultes qui ne peuvent se libérer aux horaires des cours réguliers. Ponctuellement, j’ouvre l’Atelier pour les formations professionnelles.
Depuis 2016, la méthode de l’Atelier de Charenton s’inscrit à l’Ecole Montessori.
L’Atelier de Charenton trace son sillon en même temps qu’il fait des petits. Dans l’Ecole Montessori Internationale, avec la directrice, j’ai créé un atelier de peinture sur le modèle de l’Atelier de Charenton. Les couleurs de l’Atelier de Charenton, sa définition, son image et son style sont repris par des personnes que je forme à ma méthode et par d’autres qui s’en inspirent.
L’Atelier de Charenton trace sa route, sans bénéficier de subvention.
Que l’Atelier de Charenton trace sa route sans bénéficier, aujourd’hui, de la moindre subvention : il vit de son réseau et des partages. Et j’ai d’autres ambitions pour les années à venir : ouvrir l’Atelier de Charenton à d’autres pédagogies sans compétition, accueillir des parents qui veulent peindre dans le même lieu que leur enfant, aller vers les institutions, s’associer à des évènements fédérant artistes et créateurs, organiser une exposition.
Sandrine Sananès
2007 : Ouverture de l’Atelier de Charenton. 7 inscrits en septembre, 31 en juin. Ouverture de la page Facebook L’Atelier de Charenton.
2008 : La presse en parle : Bubble mag, Grandir autrement, Milk, Pratique des arts, Parole de mamans… Ouverture de mon blog avec des articles remarqués : « Le test du bonhomme », « Pourquoi faire des remarques à l’enfant qui dessine », « Les pionniers de la peinture libre », etc.
2009 : Isabelle Filliozat devient la première marraine de l’Atelier de Charenton. Enregistrement à l’Inpi de la marque L’Atelier de Charenton.
2010 : Création de notre premier atelier de peinture hors les murs au salon Playtime.
2011 : L’équipe s’élargit avec Béatrice, praticienne en expression et modelage.
2012 : Collecte pour l’Etoile de Martin. Partenariat créatif avec the Fabulous Garland, enregistrement du reportage télé des Maternelles.
La vitrine change de couleurs : du beige, elle passe au gris et rouge. Réalisation dans la vitrine, d’une fresque de 3m de haut et 1m de large.
2013 : 5 ans de l’atelier. Exposition Espace art et liberté à Charenton. Premier article du journal Le Parisien. Soutien de la commune, plusieurs articles de blogueuses. Nouvelle orientation pédagogique : les tableaux sont rendus en septembre.
2016 : La vidéo « A la découverte de l’atelier de Charenton » fait plus de 10 000 vues en ligne. Changement des statuts : la méthode Le Geste de peindre, apparait dans l’objet de notre association. Affiliation à la Ligue de l’enseignement.
2017 : L’Atelier a 10 ans. Article du Parisien. « Sandrine fête les 10 ans de son atelier ». 70 élèves inscrits à l’année, plus de 100 stagiaires de vacances. 2 600 fans sur Facebook. 10 juin 2017 : fête anniversaire et ateliers créatifs au profit de l’association Sparadrap.
Cet article a été publié sur ce blog à l’occasion des dix ans de Charenton, en 2017.